C’est depuis le petit port de Paragua, à 50 kms au sud de Puerto Montt, que nous avons embarqué pour l’île de Chiloé. Ce petit bout de terre au large de la côte Chilienne déchiquetée et sauvage, nous a tout de suite conquis. C’est le visage fouetté par le vent frais, que nous avons abordé les côtes de cette grande île au caractère tout particulier.
Chiloé, des airs de bout du monde
C’est sur cette île, dans le bourg de Quellon, que prend fin (ou commence, tout dépend comment on le voit) la fameuse route « Panaméricaine » que nous empruntions ou croisions depuis la Californie…
Malgré ses 180 kms de long du Nord au Sud, la sensation d’être sur une petite île isolée perdure. Les grands paysages de bord de mer sont sauvages et les villages semblent avoir traversé des siècles de pêche dans une survie tranquille.
L’intérieur des terres est plus boisé. Au nord de l’île, les plaines sauvages usées par le vent se mêlent à des kilomètres de dunes basses qui longent les plages. Certaines sont encadrées de falaises un peu plus abruptes. Nous y sommes seuls, à l’exception de quelques pêcheurs venus de temps à autre jeter leur ligne.
Au large de la côte Est, les sommets enneigés de la Patagonie Continentale se dressent, à la lisière de l’océan, abrupts. Des petits bateaux de pêches colorés dansent au rythme des vagues, l’ancre jetée à quelques dizaines de mètres du rivage en attendant la prochaine sortie.
Une carte postale colorée
Entre deux bivouacs sauvages, nous découvrons les bourgs et les villages qui s’égrainent au fil des routes côtières ou des pistes de terre.
Chaque groupement de maison, allant du hameau jusqu’à la petite ville possède son église de bois, souvent peinte dans des couleurs éclatantes. Bâties pour la plupart entre le XVIIème et le XVIIIème siècle, elles font aujourd’hui partie intégrante du patrimoine de l’île et plusieurs d’entre elles sont inscrites au Patrimoine Mondial de l’Unesco. Conçues par les peuples autochtones, les Huilliches, sous la direction des missionnaires jésuites, elles sont de parfaits exemples d’architecture traditionnelle « métisse ». Ces modèles d’architecture religieuse des missionnaires ont été réalisés selon les techniques constructives insulaires et les essences de bois de l’île employées selon les connaissances ancestrales des peuples indigènes.
Au-delà des églises, les couleurs sont partout sur l’île : sur les coques usées des bateaux mais aussi sur les milliers de bardeaux de bois qui habillent les façades. Dans les champs, de part et d’autre des rues ou sur le bord des rives, les maisons colorées donnent à Chiloé cette ambiance si particulière. A chacun sa couleur et sa forme, les bardeaux recouvrent les cabanes comme des écailles.
Lorsque les cabanes sont perchées sur des pilotis, en bord de rivage le long des estuaires, on les appelle les palafitos. Entre les poteaux de bois à marée basse, les jeunes de l’île jouent ou viennent passer quelques instants à l’abri des regards.
Le goût de la mer
De Ancud à Castro et jusqu’à Quinchao au bout de la presqu’île, partout, la pêche fait vivre la majeure partie de la population. Sur la côte ouest, par un temps gris, le petit village de Cucao, battu par la bruine, fascine par son charme de bout du monde à la fois hostile et isolé.
A Castro, Conchi au Quellon, là aussi le quotidien de la pêche rythme la vie des villages. La saison touristique n’a pas encore commencé. Des pêcheurs isolés viennent décharger leur pêche au petit matin sur la plage. Dans les restaurants familiaux, nous sommes seuls pour déguster oursins et poissons frais du jour.
A l’heure du marché, les lions de mer et les pélicans bruns affluent au pied des palafitos pour se régaler des restes du marché aux poissons.
Avant de quitter l’île, nous expérimentons la spécialité locale, le Curanto, un plat bourratif à base de viande et de fruits de mer cuit au four. Après avoir ravalé notre fierté devant deux énormes saladiers en terre remplis de moules, coques, saucisse, cuisse de poulet, morceaux de porc et pommes de terre fumantes, nous retiendrons qu’un Curanto pour deux vaut mieux que deux… !
Après ces quelques jours hors du temps, c’est le ventre bien rempli que nous embarquons pour la nuit sur le ferry qui nous emmène vers de nouveaux horizons. Direction le continent et la Patagonie Chilienne…
C.