La construction en terre crue au Nouveau-Mexique

Lors de notre passage au Nouveau-Mexique, nous avons eu l’occasion de rencontrer des professionnels impliqués dans cette technique constructive, fortement ancrée dans l’histoire de la région.

Quentin Wilson fait partie de ceux qui ont consacré leur vie au développement de la technique de la construction en Adobe, autrement dit des briques de terre crue. Nous avons eu la chance de passer une journée avec ce professeur et bâtisseur de maisons en adobe, afin d’en apprendre plus sur cette pratique et son histoire.

Le nouveau Mexique, région historique de l’Adobe : Des indiens à aujourd’hui

Le nouveau Mexique est un territoire ou les techniques de construction en terre des indiens ont évoluées avec le temps et sont restées une identité forte de la culture constructive de la région. Selon Quentin, la plupart des historiens s’accordent sur le fait que la technique des briques d’adobe aurait été importée par les colons Espagnols, et reprise ensuite dans des villages indiens tels que celui de Taos pueblo, ou les habitations sur plusieurs étages ainsi que l’église du village sont entièrement bâties en adobe.  Mais  selon un professeur, spécialisé dans la construction en terre aux USA, certains indiens utilisaient déjà la technique des briques de terre dans certains endroits avant l’arrivée des colons. Toujours est-t-il que dans les villes de Taos ou Santa-Fe, et globalement dans l’ensemble du Nouveau Mexique, les maisons en adobe sont extrêmement courantes.

Quels sont les avantages de la construction en adobe ?

Lors d’une visite d’un chantier avec Quentin Wilson, nous avons pu découvrir la mise en œuvre de ce matériau et ses spécificités.

La construction en adobe présente plusieurs avantages. Avant tout, la construction en terre implique l’utilisation d’un matériau local puisque l’on trouve la terre sur chaque site de construction. Il s’agit donc de bâtir un édifice à partir de la ressource du sol sur lequel il va s’implanter. Cette démarche nous apparaît encore comme la plus évidente qu’il soit.

Aussi, les délais de construction sont considérablement réduits, en comparaison avec des techniques de constructions traditionnelles, ou même la construction en paille. Selon Quentin, les murs d’une maison standard peuvent être montés en trois jours et demi, considérant que les briques d’adobe sont déjà produite. Les réserves pour les gaines d’électricité et de plomberie peuvent être directement intégrées dans le mur, les briques de terre crue se taillant facilement.

Enfin, les caractéristiques thermiques de ce matériau sont remarquables. L’inertie d’une brique d’adobe est très élevée, c’est à dire qu’il a une forte capacité à emmagasiner la chaleur et que la restitution de cette chaleur est progressive. Autrement dit, une maison d’adobe en été restera fraîche plus longtemps et en hiver, la chaleur produite à l’intérieur de l’espace de vie sera conservée. Cela permet dans certains cas de se passer d’isolation thermique complémentaire, notamment au Nouveau Mexique, ou les températures peuvent tout de même descendre jusqu’à -10°C la nuit en décembre (Nous l’avons expérimenté !). Après plusieurs dizaines d’années de pratique, Quentin, qui en tant que puriste a réalisé sa maison de manière traditionnelle, c’est-à-dire sans isolation complémentaire, nous confie qu’en fonction des climats, de l’altitude, de l’orientation du bâtiment ou encore des couleurs des murs -toutes ces composantes qui influent sur la performance thermique de la paroi-, certains murs peuvent être pensés isolés, pour d’avantage de confort. Ainsi, il nous explique que la manière optimale de penser la conception d’un habitat en adobe consiste à isoler uniquement le mur orienté au Nord, pour éviter les déperditions de chaleur en hiver et éventuellement les deux murs orientés Est et Ouest, mais en aucun cas le mur orienté au Sud. Celui-ci joue le rôle de mur de masse, en emmagasinant la chaleur du rayonnement solaire au cour de la journée, et en la diffusant pendant la nuit. Pour le confort d’été, un système de sur-ventilation nocturne doit être prévu afin d’évacuer cette chaleur relâchée en fin de journée.

D’autre part, l’utilisation de la terre crue est idéale pour la régulation hygrométrique de la construction car il s’agit d’un matériau respirant. Une brique d’adobe est imperméable à l’eau mais perméable à la vapeur d’eau. Afin de tirer profit des propriétés intrinsèques du matériau il est important de bien choisir les matériaux de finition des murs. Par exemple, un enduit ciment sur un mur en terre crue aura l’effet d’un sac plastique que l’on se mettrait devant le visage, il va bloquer toute l’évaporation de la vapeur d’eau.

Enfin, les murs en Adobe présentent également des caractéristiques acoustiques performantes ainsi qu’une bonne résistance au feu.

Fabrication d’une brique de terre : Adobe

Aux USA, les dimensions standards d’une brique d’adobe varient selon les régions. A titre d’exemple, une brique au Nouveau-Mexique mesure l : 25 cm, L : 35 cm, h :10 cm, alors qu’une brique en Arizona mesure : l :20cm, L :40 cm, h :10cm. Une brique d’adobe traditionnelle est composée de terre, de chaux, de paille et d’eau. Les briques sont assemblées entre elles avec un mortier, le plus souvent de terre et de chaux.

Processus manuel

Les briques de terre crue peuvent être fabriquées à la main, à l’aide d’un moule de bois, dans lequel le mélange de terre, chaux, paille et eau sera coulé sur le sol. Après avoir enlevé le moule, les briques sont positionnées sur l’arrête, le même jour. Au bout d’une semaine de séchage, les briques peuvent être déplacées pour être stockées. C’est à l’issue de trois semaines complètes qu’elles peuvent être utilisées pour la construction. En termes de productivité, deux hommes expérimentés peuvent produire 500 briques par jour en moyenne. Une maison de taille standard américaine, c’est-à-dire environ 170 m² pour trois chambres et deux salles de bains nécessite de 5000 à 7000 briques.

Visite d’une usine de production d’Adobe à Albuquerque : New Mexico Earth

Nous nous sommes rendus dans une usine de fabrication de briques de terre crue dans la ville d’Albuquerque. Le processus de fabrication reste identique au manuel, à la différence qu’il est mécanisé sur une partie des étapes. Le mélange de la terre, chaux et paille se fait à l’aide d’une machine qui pétrit la boue avec la paille. Cette machine est alimentée électriquement, dont 80% de l’électricité est produite par le solaire et l’éolien. Un tracteur transporte ensuite le mélange jusqu’aux moules. Les moules en pin, alignés en longues rangées, sont ensuite remplis au sol à l’aide de la machine. Une fois arrivé à ce stade, le reste du processus qui consiste à redresser les blocs sur leur tranche pour le séchage et leur déplacement pour le stockage, est effectué à la main. Ici, de deux à quatre personnes sont nécessaires pour la production, selon la saison. Les blocs restent environ 3 jours au sol pendant la période chaude, plus le temps et frais, plus le temps de séchage s’allonge. Une fois sur la tranche, une semaine à 10 jours supplémentaires seront nécessaires pour le séchage en été, et jusqu’à trois semaine pendant la période froide.

 Chaque rangée correspond à 800 à 1000 briques d’adobe, et chaque jour, le nombre de rangées réalisées varie de deux à quatre, soit une production journalière variant de 2000 à 4000 briques selon les conditions météorologiques. En prenant en compte la période de production qui s’arrête durant l’hiver, l’usine produit à l’année environ 150 000 briques d’adobe.

L’usine que nous avons visitée produit différents types de briques, destinés à différents usages en construction. Les blocs non stabilisés, semi stabilisés et stabilisés. Les premiers sont un mélange pur 15% à 20% de chaux, 80 à 85 % de terre et agrégats, et peuvent être destinés à des constructions de fours traditionnels ou pour les projets de réhabilitation historiques qui utilisent les techniques ancestrales.Les blocs semi-stabilisés contiennent une faible quantité de « stabilisateur », asphalte ou ciment portland, qui permet au matériau une plus grande pérennité. La quantité n’est pas définie précisément mais les blocs doivent passer certains test afin d’être conformes à la réglementation. Ils sont utilisés pour toutes sortes de constructions, habitats, murs de jardins…

Enfin, les blocs stabilisés contiennent une proportion de 6 à 10 % de ciment portland ou asphalte et sont utilisées dans des cas de constructions extérieures ou les briques seraient laissées exposées aux intempéries, sans enduit de protection. Elles sont également utilisées pour les constructions d’édifices en adobe semi-stabilisées, en pied et en tête de mur, permettant une meilleure résistance des murs, aux endroits ou l’humidité est la plus élevée dans la paroi. Cette pratique est exigée par le code de la construction au Nouveau Mexique.

Technique constructive

Le processus constructif est très simple puisqu’il s’agit de monter les murs en appareillage classique. Dans le cas d’un édifice d’un seul étage, les briques sont disposées dans le sens de la longueur, formant des murs de 25 cm d’épaisseur (dans le cas des briques du Nouveau Mexique). Pour un édifice de deux étages, les briques sont posées dans le sens de la largeur pour le mur du RDC, épais alors de 35 cm. Les murs de l’étage supérieur sont montés en disposant les briques dans le sens de la longueur, épais de 25cm. Plus généralement, le code constructif de Nouveau Mexique définit la proportion suivante :  hauteur ≤ 10 x épaisseur

Un chaînage en tête de mur permet d’apporter la stabilisation nécessaire. Il est le plus souvent réalisé en béton. Pour les ouvertures, des linteaux en bois sont intégrés à la construction. Les cadres des ouvertures sont fixés au mur d’adobe par le biais d’une pièce de bois, aux dimensions d’une brique, appelée « Gringo Block ». Celle-ci est intégrée dans le mur et permettra d’y visser les montants des ouvertures, appelés « Rough Block ».

C.