Arcosanti : Laboratoire urbain

Quand nous avons entendu parler d’Arcosanti, décrit à la fois comme une cité expérimentale et un laboratoire de recherche sur l’urbanisation, il ne nous en a pas fallu d’avantage pour nous rendre au milieu de l’Arizona afin de voir ce qui se cachait derrière ce nom mystérieux.

Une fois sur place nous avons eu la chance d’être accueilli par Sean Paul, chargé de la communication, qui nous a fait visiter les lieux et expliqué les détails du projet.

Bâtiment principal d’Arcosanti

Paolo Soleri : l’homme à l’origine du projet

La cité d’Arcosanti est issue de la réflexion de l’architecte italo-américain Paolo Soleri qui, tout au long de sa vie, s’interrogea sur de nouvelles façons d’organiser les villes.

Arrivée d’Italie dans les années 50, Soleri suit un stage dans l’école Taliesin de Franck Lloyd Wright où il est marqué par la vie en communauté. Il fait ensuite le constat que dans les banlieues et mégalopoles américaines l’étalement urbain nécessite la mise en place d’infrastructures (routes, parking, garage…) liées à l’utilisation de la voiture toujours plus importante. L’urbanisation massive qui en découle se faisant sans prise en compte de l’environnement, il développe sa réflexion sur l’association de l’architecture et de l’écologie et créé la notion d’Arcology.

Dans un livre qu’il publie en 1969 : Arcology : The City in the Image of Man, Paolo Soleri développe ce concept et donne la définition suivante de l’Arcology :

« Arcology or Ecological Architecture : (…)Urban structure so ”dense” as to host life, work, education, culture, leisure, and health for hundreds of thousands of people per square mile. (…)”

Partant du principe que pour lutter contre l’étalement urbain, et par conséquence limiter au maximum l’utilisation de la voiture, il faut densifier les villes, il imagine une trentaine de villes adaptées à leur environnement. Ces villes au design futuriste s’intègrent dans des environnements qui au premier abord semblent inadaptés à la présence humaine : canyons, barrages, déserts, océans… Avec toujours comme concept une organisation tridimensionnelle et une échelle permettant de mixer les lieux publics, l’industrie et l’habitat.

Parmi ces différentes villes se trouvent les premiers dessins d’Arcosanti.

©Paolo Soleri in « Arcology : The City in the Image of Man »
©Paolo Soleri in « Arcology : The City in the Image of Man »

Arcosanti : une aventure qui dure depuis 1970

Au début des années 70 Paolo Soleri décide de mettre en œuvre les principes de l’Arcology et se lance dans la réalisation d’Arcosanti.

Pensée à l’origine comme une cité pouvant accueillir 1500 personnes, 45 ans plus tard les quelques bâtiments construits, pour la plupart entre 1970 et 1990, ne représentent que 5% du projet initial et accueillent aujourd’hui environ 75 personnes.  Si le manque de moyens et la faible adhésion du public à son projet n’ont pas permis la pleine réalisation du projet architectural, Arcosanti reste un lieu unique où l’on s’interroge depuis plus de quatre décennies sur l’impact de l’architecture et de l’urbanisation sur l’environnement et sur nos modes de vies.

C’est donc la démarche idéologique, le fonctionnement des espaces et le travail de réflexion sur l’urbanisme qui ont retenu notre attention, plus que les bâtiments en eux-mêmes.

Fonctionnement actuel d’Arcosanti

Comme nous l’explique notre guide, le but d’Arcosanti est de confronter les idées théoriques de l’Arcology à la réalité. Arcosanti peut donc être définit comme une « organisation multi-facettes » à la fois publique, par le biais des activités commerciales et pédagogiques, et à la fois une communauté interne organisée autour de plusieurs « départements ». Ces différents départements vont de la cafétéria à la maintenance des bâtiments en passant par le pôle architecture et la fabrique de cloches en bronze et terre cuite, principale source de revenus de l’association.

Ainsi sur les 75 personnes vivant aujourd’hui sur place, toutes sont engagées dans le projet et 50 sont salariées par l’association dans les différents départements. En dehors des activités publiques, la spécificité du site réside dans l’interaction des habitants entre eux. Comme l’avait imaginé Soleri, la mixité des espaces favorise les échanges, ainsi les équipes techniques bénéficient des retours directs des utilisateurs et l’ensemble des habitants est impliqué dans les réflexions sur le fonctionnement de la cité.

Logements de 4 à 6 personnes donnant sur l’amphithéâtre
Espace public multi-usages

Arcosanti demain

Suite au décès de Paolo Soleri en 2013, un nouveau tournant s’amorce pour continuer de faire évoluer l’idée d’Arcology en intégrant les pratiques de développement durable actuel. Les bâtiments qui, de l’aveu des occupants, n’apportent pas un confort thermique satisfaisant, pourraient faire l’objet d’une rénovation énergétique. D’autre part, l’utilisation de matériaux dit alternatifs (terre, paille…) dans la construction et l’agriculture raisonnée sur les terrains à proximité d’Arcosanti sont également pris en considération.

Ainsi, à l’heure où les initiatives de transition écologique et énergétique sont en pleine expansion Arcosanti est loin d’avoir épuisé les thématiques de réflexion sur l’architecture, l’urbanisation et le développement durable. Ce lieu atypique, où l’on prône la transition depuis plus de quarante ans, témoigne à la fois de la volonté des citoyens de faire évoluer les choses en s’investissant et de la difficulté à réellement modifier nos modes de vie.

W.