J 312 à J 317 : Les mains dans la terre au cœur de la Bolivie

Après notre séjour à Sucre, une belle ville qui nous a retenu plus longtemps que ce que l’on avait prévu, nous avons repris la route pour un aller-retour au village de Samaipata, au cœur du pays. Les allers-retours sont généralement rares dans notre itinéraire mais après avoir minutieusement étudié la carte routière en recroisant avec les différentes informations d’autres voyageurs sur l’état des routes, nous avons choisi l’option la plus douce pour notre van, qui consistait à rejoindre le village de Samaipata, par la « route » du Sud depuis Sucre puis de redescendre par le même chemin. Ainsi, nous avons limité les kilomètres de pistes de terre à une centaine seulement, dans des conditions acceptables pour notre compagnon de route. Vous allez nous dire… Pourquoi cet aller-retour dans ce village précisément malgré les conditions de route médiocre… ? Nous étions en contact avec une famille Boliviano-Argentine pour participer à un chantier en terre crue et n’avons donc pas hésité à mettre le cap sur ce petit village, dans une région splendide.Route_To_Samaipata

Samaipata, un village reculé et tranquille

Après 1 jour et demi de route avec une halte dans une station-service en bord de piste, nous atteignons le village de Samaipata. Ce petit village au pied de la Cordillera Oriental, dans le centre du pays est un lieu touristique, point de départ pour visiter les missions jésuites, le parc National voisin ou encore les ruines Incas dont les vestiges perdurent à même la roche de la montagne.

Samaipata_IncaL’ambiance y est animée le soir dans les quelques bars et restaurants aux abords de la place, la plupart tenus par des expatriés Européens et Nord-Américains qui ont élu domicile dans cette bourgade aux énergies réputées « positives ». Nous y passons quelques belles soirées autour d’un bon repas ou d’un  petit concert dans un bar bondé.

Samaipata_Café

Evidemment, le marché central prend vie chaque jour et jusque tard dans la journée, l’occasion de faire le plein de produits frais et de yaourts maisons vendus en bocaux. C’est d’ailleurs aussi le « supermarché » du village, l’un des rares endroits où l’on peut de ravitailler en produits ménagers, épicerie et autres objets de la vie courante.Samaipata_Bolivie

 Rencontre avec Edu, Mechy, Intira et Kumal

Nous sommes accueillis par Mercedes et Eduardo, « Mechy » et « Edu », et leurs enfants Intira et Kumal, qui vivent à Samaipata dans une belle maison d’Adobe qu’ils ont construite il y a quelques années. Sur leur grand terrain qui surplombe le village ils sont en train de bâtir une seconde maison afin de pouvoir louer la première. Edu ayant travaillé sur le chantier de leur première maison en tant qu’ouvrier pour se former aux techniques de construction en terre, c’est seuls qu’ils se sont lancés dans la construction de cette seconde maison, édifiée principalement en terre crue. Avec l’aide de quelques volontaires de passage, leur chantier avance doucement, d’autant plus que Mechy et Edu sont artisans et vivent de la vente de leurs créations au village, qui leur occupe une bonne partie de leur temps. Edu nous explique que le manque d’aide donc de temps et du coup d’argent.. l’on amené à devoir monter certaines partie de la maison en brique+ciment afin de pouvoir couvrir la partie principale de l’édifice. D’un point de vue « bio-constructif » le chantier n’est  donc pas irréprochable mais nous sommes là pour apprendre les techniques de construction en terre qu’ Edu maîtrise et laissons donc notre jugement de côté.Volontaria_Chantier_BolivieEdu_Mechy_Kumal

Nous avons passé quelques jours en leur compagnie, le van garé sur leur terrain entre leur maison et le chantier. L’occasion d’une belle rencontre tout en apprenant à façonner la terre crue.Samaipata_Bivouac

De la théorie à la pratique : Les mains dans la terre

Depuis le début du voyage, nous avons rencontré de nombreux bâtisseurs qui nous ont parlé des techniques constructives en terre crue. Nous avons beaucoup écouté, beaucoup écrit, nous sommes documenté, avons questionné… Mais nous n’avions jamais vraiment eu l’occasion de passer à la pratique, pourtant le meilleur moyen d’apprendre. Nous nous sommes donc mis à l’œuvre et avons littéralement sauté à pied joints dans la terre.

Durant les quelques jours de chantier, Edu nous a appris à préparer la boue pour la confection des Adobes, à les former, à préparer l’enduit, à enduire les murs…

Préparation du mélange pour les Adobes

 L’un des principaux atouts dans la technique de construction en Adobe est que le matériau primaire se trouve sur place, et ici, Edu fait ses Adobes à l’ancienne, c’est à dire en bêchant la terre argileuse de son terrain, que l’on mélange ensuite avec l’eau. Pour le mélange, la meilleure solution reste encore d’ôter ses chaussures et de piétiner le tas de boue en profitant de cette sensation unique de la terre qui remonte entre les orteils (les enfants s’en donnent d’ailleurs à cœur joie… Ici pas de normes de sécurité sur le chantier !)

Une fois le mélange bien souple et homogène, nous recouvrons le tas de boue bien humidifié d’une bâche jusqu’au lendemain matin.

Formation des Adobes

Le lendemain, le mélange est à point pour la formation des Adobes. On y rajoute des brins de foin séché que l’on découpe à la machette afin de finaliser le mélange.

Chantier_Terre_BolivieUne fois la boue fin prête, on transporte un chargement en brouette jusqu’à la zone de fabrication des Adobes où un moule en bois est disposé sur un sol d’herbe rase. C’est alors que commence le remplissage des deux ouvertures du moule à la main avant de le retirer (la partie la plus dure et fatigante !)

Fabrication_Briques_AdobesUne fois sur le sol en plein soleil, nous les mettons sur le flanc dès le lendemain et il n’y a plus qu’à attendre le séchage avant de pouvoir les mettre en œuvre !

Enduit des murs

Pour le mélange destiné à recouvrir les murs intérieurs, nous avons utilisé une terre plus fine, qu’Edu avait fait livrer. En la mélangeant avec de l’eau et de la sciure de bois fine selon la même technique que pour les Adobes, nous avons obtenu un mélange fin, plus agréable sous la plante du pied que le mélange grossier de la boue du terrain ! De la même manière que pour les Adobes, ce mélange peut se conserver plusieurs jours, humidifié sous une bâche.

L’enduit des murs se réalise à la main pour la première couche, assez grossière, et là c’est un régal ! On applique le mélange de haut en bas pour qu’il adhère bien au mur d’adobe, on comble les trous et les défauts du mur.

Earth_ConstructionC’est à ce moment-là que l’on peut s’amuser à former toute sorte de motifs en jouant avec la terre comme avec de la pâte à modeler. On insère dans les ouvertures des bouteilles récupérées qui forment ensuite comme des vitraux incrustés à la paroi.

Dans un des murs intérieurs, nous créons un vrai vitrail de bouteilles…

Nous ne réaliserons pas les couches finales des enduits mais Edu nous montre les mélanges plus fins à base d’argile et de chaux, qu’il appliquera ensuite à l’éponge pour la finalisation des murs.

Après ces quelques jours, nous repartons ravis de cette expérience, des ampoules plein les mains mais l’envie de pratiquer à nouveau la construction de terre…Chantier_Rencontre_Bolivie

C.