J 279 – Chan-Chan : Plus vaste citée de terre crue au monde…

Histoire de la cité

Tout près de la ville de Trujillo, sur la côte Nord du Pérou, nous nous sommes rendus sur le site précolombien de Chan-Chan, qui abrite les vestiges d’un citée construite en Adobe par la civilisation Chimu. Etendue sur près de 20 kms², cette ville bâtie entre le 12ème et le 15ème siècle était à l’époque la citée la plus vaste des Amériques et est encore aujourd’hui la plus grande ville bâtie en Adobe au monde. Selon les archéologues, elle aurait été peuplée de 30 000 à 100 000 habitants.

La ville de Chan-Chan , qui signifie «Soleil-soleil » en langue Mochica ancienne, était la capitale administrative de la civilisation Chimu, avant la conquête des Incas. Différentes classes sociales habitaient la cité, populaire, intermédiaires et les élites.

Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1986, les pouvoirs publics tentent aujourd’hui de protéger le site de l’érosion naturelle qui altère chaque jour un peu plus les vestiges de cette citée, renforcé par les effets Del Niño, phénomène climatique localisé.

Chan_Chan_Citadelle
Crédit Photo : Laurent Chauveau

ChanChan_Murs

Organisation du site

Un système agricole et industriel puisant permettait l’essor économique de la cité. Un système ingénieux de gestion de l’eau avait également été mis au point pour subvenir aux besoins de la cité, sur un système de réservoir et de canaux d’irrigation, qui permettait de vaincre les conditions désertique de la vallée. Ce système d’irrigation était alimenté par les rivières de Moche et Chicama par le biais d’un canal de 80 kms de long.

Une stratégie sociale rigoureuse au sein de la civilisation a résulté d’une organisation spécifique dans l’espace. Bâtie en neuf unités indépendantes, constituant des palais ou des citadelles, allant de 200 à 400 mètres de longueur selon un plan rectangulaire. La zone destinée aux élites située au centre de la cité s’étend sur environ 6 km², où chaque entité est délimitée par d’immenses murailles de terre, qui pouvaient atteindre à l’époque près de 12 mètres de hauteur. Différentes fonctions pouvaient être réunies au sein d’une même entité, temples, habitations, réservoir d’eau, cimetières, espaces publics…  Autour de cette zone centrale de 9 unités était aménagées une trentaine de zones plus petites, regroupant des habitations plus modestes, ainsi que des secteurs industriels regroupant ateliers de tissage, bois et métaux. Les artisans Chimu étaient réputés pour être les meilleurs orfèvres du Pérou. L’ensemble de la cité s’apparent à un vaste maillage de construction, distribué par des rues intérieures cernées de grands murs, à la façon d’un labyrinthe.

ChanChan_Corridor

Aujourd’hui, seule la citadelle de Tschudi se visite. Mesurant 444 mètres de long sur 303 de large, elle est entourée d’un mur trapézoïdal de 11 mètre de haut et de 5 mètres d’épaisseur à sa base. L’entrée à la citadelle est une grande ouverture dans la muraille. Les archéologues n’ont retrouvé aucune trace de porte de bois ni de métal. Au sein de cette unité, on trouve une grande place, de 77m de long par 69,30 mètre de large, où se déroulaient les principales cérémonies telles que les sacrifices, les offrandes ou autres festivités religieuses. Elle pouvait également servir à des grands marchés de troc pour des produits venus d’autres régions. On trouve également dans la citadelle un grand réservoir d’eau autour duquel devait être organisé des cérémonies puisque des gradins encadrent le réservoir comme pour accueillir un public. Au sein de ce palais, de nombreuses pièces de rangement, permettait la conservation d’aliments ou encore le stockage de matériel ou de produit d’artisanat.ChanChan_Architecture_Terre

ChanChan_Chimu

 

Ce modèle d’urbanisme organisé en zonage fonctionnel témoigne d’un régime social et politique puissant, rarement développé sous une telle forme à cette époque.

Technique constructive

Les murailles formant le labyrinthe des rues de l’ensemble de la citée ainsi que les murs des bâtiments ont été édifiés en briques d’adobes, recouvertes ensuite d’un enduit à base de terre, support de sculptures riches et variées aux formes géométriques, zoomorphiques et anthropomorphiques. De manière plus ou moins réalistes ou stylisées, on reconnait sur les murs de la cité des pélicans, des poissons ou petits mammifères ou encore des  représentations de filets de pêche. Les croyances et la culture des Chimu étaient très influencées par la mer. Selon les archéologues, les formes géométriques sous forme de bandes représenteraient la mer et les vagues.

ChanChan_Sculptures

 

ChanChan_SculptureLes murailles de Chan-Chan ont résisté à de nombreux tremblements de terre grâce à l’ingéniosité des bâtisseurs Chimu qui construisaient déjà selon des techniques parasismiques ! Ils réalisaient des joints de dilatation libres de mortier entre deux ensembles de briques d’adobe solidaires. Les murs plus larges à la base qu’au sommet font aussi partie des techniques qui permettaient de renforcer la stabilité des constructions.

C.