Les « bovedas », voûtes mexicaines en briques de terre cuite et d’adobe

Contexte

C’est au Mexique que nous avons découvert la technique des « bovedas mexicanas », autrement dit des voûtes mexicaines. Cette technique est ainsi nommée car elle est pratiquée au Mexique depuis plus de 200ans. Lors de notre passage dans la ville de Oaxaca, nous avons fait la rencontre de Ramón Aguirre Morales, architecte reconnu pour cette technique spécifique des voûtes de briques de terre cuite et d’adobe.

La couverture en forme de dôme ou de voûte est très ancienne. Depuis des siècles et dans des régions très variées du globe. Les premiers habitats couverts en dôme étaient probablement conique, une forme qui a ensuite pu évoluer en profil ovoïde puis en demi-sphère. Initialement cabanes en bois et toiture en végétaux, cette forme d’édifice très ancien a été conservé avec le développement des techniques antiques en pierre et en briques. Ce savoir-faire millénaire s’est transmis , au fil des époques et des constructions et aurait aujourd’hui près de 5000 ans.

Mais ces techniques ancestrales se retrouvent aujourd’hui bien souvent oubliées dans certaines sociétés, par manque de savoir-faire  et de pratique. Cette technique traditionnelle dans de nombreuses parties du monde, peut être adaptée à tous les types d’habitat et se réalise à base d’un matériau universel : La terre.

Le plus souvent construites sur des murs d’adobe (brique de terre crue dont nous vous détaillons la technique ici), les voûtes peuvent s’adapter à tous les types de géométrie. La preuve en est avec la maison que nous visitons, que son propriétaire a voulu en spirale. De la maîtrise du dessin en volume de Ramon et du savoir-faire des ouvriers en résultent des plafonds aux surfaces courbes complexes.

Technique constructive des « bovedas »

Lors de notre rencontre, Ramón nous emmène sur l’un de ses chantiers en cours en périphérie de la ville et nous détaille la mise en œuvre de cette technique.

Les Briques : Adobe ou terre cuite

Les « bovedas » peuvent être montées en briques de terre cuite ou crue, des adobes. Les dimensions  recommandées par Ramon sont de 5x10X20 centimètres. Avec ces dimensions, l’épaisseur de la voûte ou de la coupole sera de 10cm, laquelle aura une capacité de charge suffisante pour 10  mètres de portée, même s’il est recommandé de ne pas dépasser 8 mètres. Pour un mètre carré de voûte, environ 86 pièces seront utilisées. Ramón calcule une déperdition moyenne de 3% et compte ainsi 90 pièces par mètre carré de « bovedas ».

Les dimensions des briques peuvent varier selon les régions, au Mexique ou dans le monde, mais la réalisation artisanale de briques d’adobes et de terre cuite à des dimensions égales, permet de pouvoir combiner les deux types de briques dans une même construction, ce qui donne lieu à une infinité de motifs géométriques. Les résultats graphiques sont remarquables. Cette variation de teintes entre les types de briques peut aussi être obtenue en utilisant uniquement des brique cuites, mais dont la provenance serait différente et donc la teinte de l’argile variée (pouvant aller du rose au rouge en passant par le orange).

Concernant les briques d’adobe, la terre très argileuse doit être riche en silice et en aluminium. Contrairement aux constructions que nous avons découvertes jusqu’à maintenant, aucun ajout de paille ou fibre végétale n’est nécessaires dans la fabrication des briques . Celles-ci sont conçues pour travailler uniquement en compression.  Que ce soit pour les briques d’adobes ou de terre cuite, la fabrication artisanale permet d’obtenir une des faces un peu rugueuse, car moulées à même le sol sur une couche de sable compactée. Cette particularité permettra la bonne adhérence du mortier appliqué en couche très fine au moment de la pose. Dans le cas d’une utilisation de briques industrielles, des stries formées sur la face enduite de mortier permettront d’améliorer l’adhérence.

Le mortier

Deux types de mortier peuvent être utilisés.

Le mortier appelé « Barbotina », est préparé à base d’une argile fine, et de l’eau. A cette pâte liquide appelée « pâte d’agile », qui doit être sans grumeaux, est ajouté du sable fin, qui permettra de l’épaissir et de la stabiliser. Ramon nous explique qu’avec ce mortier de terre, les expériences de résistances ont dépassé toutes ses attentes. Il nous assure qu’il est ainsi possible de coller jusqu’à 9 briques en port-à-faux sans armature ni renfort.

Une autre solution est celle du mélange de chaux, de sable et de ciment. Cette solution est adaptée pour la mise en œuvre de briques cuites.

La plupart du temps, Ramón fait réaliser les mélanges de mortier sur le site du chantier. Lorsqu’il s’agit de mélanges à base de chaux, il est préférable selon lui de pouvoir contrôler ce processus de fabrication car de la qualité du mortier, dépendra la qualité de l’œuvre.

Les supports possibles

Les « bovedas » peuvent être édifiées à partir de différents supports. Les typologies et les matériaux sont variés.

Les voûtes de briques peuvent être mises en œuvre sur une jonction en béton armée. Sous forme de chaînage en tête de mur, le support peut être profilé en forme de « T » de manière à venir accueillir les premières briques. Le béton armé peut également être mise en œuvre sous forme de poutres courbes, aux formes plus libres, qui peuvent être ensuite habillées de briques.

Des poutres de métal ou de bois, profilés en L ou en T peuvent également être mise en place sur tout type de supports, murs, colonnes ou poteaux en bois ou métal. Pour des raisons d’élasticité du matériau, très différente de la brique, les poutres métalliques sont plus adaptées pour les étages/ entresols que pour les toitures, ou elles peuvent subir des dilatations dues aux changements de températures.

Enfin, les « bovedas » peuvent êtres bâties directement sur les murs de briques ou de pierre, selon deux formes : en tête de mur ou à même la paroi.

Pour des voûtes à un étage intermédiaire ou si l’on souhaite que le mur dépasse de la voûte en toiture,  le mur peut être façonné directement avec une rainure, qui peut-être courbe, qui viendra accueillir les briques à la base de la voûte.

Un support en brique  peut-être également réalisé en tête de mur, qu’il soit courbe ou rectiligne. Le  profil peut être en « L » pour un support intérieur ou en « T » en façade pour la canalisation des eaux de pluie.

Les « bovedas » ne se mettent pas en œuvre directement sur des briques d’adobe. Un rang de finition en briques cuites, assemblé au mortier de ciment permettra de lier le mur d’adobe et la boveda.

La géométrie des volumes

La conception des voûtes et coupoles se basent sur des principes simples de géométrie, qui permettent de se représenter l’espace. Avec des figures telles que la translation d’un arc le long d’une ligne, rectiligne (« Boveda de cañon »), ou courbe (« Boveda gaussa ») la rotation d’une parabole autour d’un axe ou encore l’intersection de différents cylindres, les possibilités de créations sont infinies.

La flèche de l’arc, figure de base des voûtes, va définir entre autre les efforts de compression. En général, une flèche de 30% de la portée, est considérée par les professionnels des « bovedas » comme le profil le plus facile à mettre en œuvre, et le plus sûr. Plus la flèche sera importante et plus les efforts de compressions seront verticaux et donc la mise en œuvre autoportante sera simple. A l’inverse, dans le cas de flèches très faible, comme pour des plafonds intermédiaire ou l’on va chercher à limiter au maximum la hauteur de la construction, la mise en œuvre sera plus délicate. Une couche de compression parfois renfoncée d’acier, sur la partie supérieure de la voûte ainsi que des renforts au niveau des murs de support seront nécessaire. Dans certains cas, les « bovederos » parviennent à abaisser la flèche de la voûte jusqu’à 10%.

La mise en œuvre

Ces dômes de briques en terre cuite sont mis en œuvre la plupart du temps sans l’aide de structure temporaire, c’est pour cela que l’on parle de structures autoportantes. La mise en œuvre consiste à ce que chaque pièce recouvre la précédente selon un angle d’inclinaison qui permet la transmission des efforts en compression. Même infime, cette légère inclinaison permettra la fixation au mortier de chaque brique sur la précédente. Ainsi, chaque partie de la voûte, de l’arc ou de la coupole peut être avancé sans aucune armature, jusqu’à se rejoindre au point de la clé de voûte.

Chaque brique sera enduite de mortier, bien sèche (contrairement à certaines pratiques qui consiste à humidifier les briques avant leur pose) et nettoyée de toute poussière, afin d’assurer l’adhérence au moment de la pose. Après quelques secondes de pression sans bouger, la brique adhérera à la précédente.

Le plus souvent, une couche de chaux sur les briques d’adobe ou un mélange de ciment et de sable recouvre la partie supérieure de la voûte.

Sources : Morales, R. A. (2016). Bovedas Mexicanas de Adobe y Ladrillo. Oaxaca: Carteles Editores.

C.